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DENONCIATION DE FAITS DE HARCELEMENT ET RESPECT DU DEVOIR DE RESERVE DES FONCTIONNAIRES

CE, 29 décembre 2021, n°433838


Le droit dont bénéficie chaque agent public ou fonctionnaire de dénoncer les faits de harcèlement dont il est victime implique qu’il ne peut être sanctionné pour avoir procédé à une telle dénonciation légitime. Toutefois, cette protection doit être conciliée avec le respect du devoir de réserve.


Après avoir dénoncé, par un courriel adressé aux élus de la commune, les faits de harcèlement moral dans il s’estimait victime, un agent a fait l’objet d’une sanction disciplinaire.



« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération :

1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ;

2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;

3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés.

Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus ».


Il résulte de ce texte que la dénonciation de faits de harcèlement ne peut justifier en elle-même le prononcé d’une sanction à l’encontre de l’agent victime.


En revanche, les conditions, les modalités et les formes de la dénonciation peuvent constituer dans certains cas une faute disciplinaire lorsqu’elles caractérisent une atteinte au devoir de réserve auquel est astreint l’agent.


Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat rappelle les critères d’appréciation du difficile équilibre entre dénonciation légitime et devoir de réserve :


« 2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.(...) / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l'évaluation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés ". Aux termes de l'article 29 de la même loi : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ".


3. En vertu des dispositions citées au point 2, les fonctionnaires ne peuvent être sanctionnés lorsqu'ils sont amenés à dénoncer des faits de harcèlement moral dont ils sont victimes ou témoins. Toutefois, l'exercice du droit à dénonciation de ces faits doit être concilié avec le respect de leurs obligations déontologiques, notamment de l'obligation de réserve à laquelle ils sont tenus et qui leur impose de faire preuve de mesure dans leur expression. Lorsque le juge est saisi d'une contestation de la sanction infligée à un fonctionnaire à raison de cette dénonciation, il lui appartient, pour apprécier l'existence d'un manquement à l'obligation de réserve et, le cas échéant, pour déterminer si la sanction est justifiée et proportionnée, de prendre en compte les agissements de l'administration dont le fonctionnaire s'estime victime ainsi que les conditions dans lesquelles ce dernier a dénoncé les faits, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leurs destinataires et des démarches qu'il aurait préalablement accomplies pour alerter sur sa situation ».


Le Conseil d’Etat sanctionne ici l’analyse de la Cour administrative d’appel de Lyon qui avait considéré que la sanction était justifiée, sans prendre en compte les agissements de l’administration à l’encontre de l’agent.


Ainsi la dénonciation de faits de harcèlement doit être réalisée dans des conditions adaptées et l’agent doit faire preuve de mesure dans sa démarche.


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