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LE RESPECT DU PRINCIPE D’IMPARTIALITE EST UNE CONDITION DE LA VALIDITE DU CONTRAT

La méconnaissance du principe d’impartialité constitue « un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat à l’exclusion de toute autre mesure ».


CE, 25 novembre 2021, Collectivité de Corse, n°454466


La collectivité territoriale de Corse a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un accord-cadre sur bons de commande destiné à assurer la conception, la mise en œuvre, l'administration et la maintenance d'un réseau régional à très haut débit pour les établissements d'enseignement et de recherche de Corse.

L’un des agents de la collectivité ayant participé à la procédure de passation du contrat litigieux avait occupé, immédiatement avant son recrutement au sein de la collectivité, des fonctions en relation directe avec l’objet du marché au sein de la société attributaire.


La société Corsica Networks, candidat évincé de la procédure, a saisi le juge administratif d’une demande d’annulation du contrat, assortie d’une demande de condamnation de la collectivité à l’indemniser du préjudice résultant de son éviction irrégulière.


Son recours a été rejeté par le Tribunal administratif de Bastia. La Cour administrative d’appel de Marseille a annulé le jugement et le contrat et a décidé une expertise avant dire droit afin d’évaluer le manque à gagner de la société requérante.


Saisi par la collectivité de Corse, le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation du contrat.


Le principe d’impartialité est un principe général du droit qui s’impose à tous les pouvoirs adjudicateurs.


Le non-respect de cette règle constitue un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence :


« 4. Considérant qu'au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, dont la méconnaissance est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence » (CE, 14 octobre 2015, n°390968 ; CE, 12 septembre 2018, n°420454).


Le juge administratif fait une appréciation stricte de cette obligation et la preuve d’un manquement à ce titre n’est pas aisée à rapporter (ex : CE, 18 décembre 2019, n°432590).


Toutefois, dans la présente affaire, le Conseil d’Etat a retenu que le seul doute sur la partialité de l’acheteur emporte l’irrégularité et donc l’annulation du contrat :


« 5. D'autre part, au nombre des principes généraux du droit qui s'imposent au pouvoir adjudicateur comme à toute autorité administrative figure le principe d'impartialité, qui implique l'absence de situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure de sélection du titulaire du contrat. Aux termes du 5° du I de l'article 48 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, applicable au marché litigieux, désormais codifié à l'article L. 2141-10 du code de la commande publique : " Constitue une situation de conflit d'intérêts toute situation dans laquelle une personne qui participe au déroulement de la procédure de passation du marché public ou est susceptible d'en influencer l'issue a, directement ou indirectement, un intérêt financier, économique ou tout autre intérêt personnel qui pourrait compromettre son impartialité ou son indépendance dans le cadre de la procédure de passation du marché public ". L'existence d'une situation de conflit d'intérêts au cours de la procédure d'attribution du marché est constitutive d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence susceptible d'entacher la validité du contrat.

6. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que M. L..., désigné par le règlement de consultation du marché comme le " technicien en charge du dossier ", chargé notamment de fournir des renseignements techniques aux candidats, a exercé des fonctions d'ingénieur-chef de projet en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication au sein de l'agence d'Ajaccio de la société NXO France. L'intéressé a occupé cet emploi immédiatement avant son recrutement par la collectivité de Corse et trois mois avant l'attribution du marché. Le procès-verbal d'ouverture des plis mentionne qu'il s'est vu remettre les plis " en vue de leur analyse au regard des critères de sélection des candidatures et des offres ". Si M. L... n'était pas l'un des cadres dirigeants de la société NXO France, il occupait des fonctions de haut niveau au sein de la représentation locale de la société NXO France et ces fonctions avaient trait à un objet en relation directe avec le contenu du marché. Eu égard au niveau et à la nature des responsabilités confiées à M. L... au sein de la société NXO France puis des services de la collectivité de Corse et au caractère très récent de son appartenance à cette société et alors même qu'il n'a pas signé le rapport d'analyse des offres, la cour n'a ni inexactement qualifié les faits de l'espèce ni commis d'erreur de droit en jugeant que sa participation à la procédure de sélection des candidatures et des offres pouvait légitimement faire naître un doute sur la persistance d'intérêts le liant à la société NXO France et par voie de conséquence sur l'impartialité de la procédure suivie par la collectivité de Corse.


7. En second lieu, contrairement à ce que soutient la collectivité de Corse, la cour administrative d'appel, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a ni inexactement qualifié les faits ni commis d'erreur de droit en jugeant, sans relever une intention de sa part de favoriser un candidat, qu'eu égard à sa nature, la méconnaissance de ce principe d'impartialité était par elle-même constitutive d'un vice d'une particulière gravité justifiant l'annulation du contrat à l'exclusion de toute autre mesure ».


Ainsi, eu égard à sa nature, la méconnaissance du principe d’impartialité est par elle-même constitutive d’un vice d’une particulière gravité justifiant l’annulation du contrat. Le candidat évincé a également droit à l’indemnisation du manque à gagner résultant de son éviction irrégulière.


Pour consulter cette décision

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000044376432?juridiction=CONSEIL_ETAT&page=1&pageSize=10&query=454466&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat


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