(CE, 30 décembre 2024, n°471753)
Le Conseil d’Etat rappelle que si la mention, dans la mise en demeure préalable adressée à l’agent, du délai imparti pour rejoindre son poste et des conséquences du refus est une condition de fond de la légalité de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste, la mention de ce que la décision pourra intervenir sans procédure disciplinaire préalable est une condition de procédure dont l’incidence est appréciée au cas par cas.
La jurisprudence définit l’abandon de poste comme l'absence irrégulière d'un agent qui, après mise en demeure, refuse de reprendre son poste sans raison valable dans le délai fixé par la mise en demeure ou ne se manifeste pas pendant ce même délai.
L'agent est alors considéré comme ayant rompu de sa propre initiative le lien qui l'unissait au service.
La radiation des cadres pour abandon de poste ne peut ainsi intervenir qu’après qu’une mise en demeure régulière a été adressée à l’agent.
La légalité de la radiation de cadre est ainsi conditionnée par la mention dans la mise en demeure d’un délai suffisant (CAA Marseille, 18 janvier 2011, n°10MA03227) et des conséquences de l’absence de reprise du service.
En revanche, le défaut de mention qu’en l’absence de reprise, l’abandon de poste sera constaté sans mise en œuvre d’une procédure disciplinaire préalable, ne constitue pas toujours une condition de légalité de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste.
Cette information constitue une règle de procédure, et le juge apprécie au cas par cas, si l’absence de cette mention est susceptible d’avoir eu une incidence sur la légalité de la décision, en application de la jurisprudence Danthony (CE 23 décembre 2011 n° 335033).
Ce sont les règles rappelées par le Conseil d’Etat dans son arrêt du 30 décembre 2024 :
"3. Si l'obligation pour l'administration d'impartir à l'agent un délai approprié pour rejoindre son poste et de l'avertir que, faute de le faire, il sera radié des cadres constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d'abandon de poste, et non une simple condition de procédure, il n'en va pas de même de l'indication qui doit lui être donnée, dans la mise en demeure écrite qui lui est adressée, que l'abandon de poste pourra être constaté sans procédure disciplinaire préalable.
4. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'université Toulouse III Paul Sabatier a soutenu dans sa requête d'appel que le tribunal administratif avait insuffisamment motivé son jugement en ne répondant pas au moyen de défense invoqué devant lui, tiré de ce que Mme A... n'avait pas, dans les circonstances de l'espèce, été privée d'une garantie du fait de l'absence de mention, dans la mise en demeure qui lui avait été adressée, de ce que l'abandon de poste pourrait être constaté sans procédure disciplinaire préalable. Pour écarter ce moyen d'appel, la cour a jugé que le moyen de défense soulevé devant le tribunal administratif était inopérant et que le tribunal n'avait pas à y répondre, dès lors que l'absence de cette précision dans la mise en demeure ne pouvait être considérée comme une irrégularité de procédure mais était une condition nécessaire pour que soit constaté cet abandon de poste. En statuant ainsi, la cour a commis une erreur de droit. Il s'ensuit que l'université Toulouse III Paul Sabatier est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
(…)
10. Il ressort des pièces du dossier que la mise en demeure adressée à Mme A..., datée du 16 mars 2017, lui demandait de reprendre ses fonctions au sein du service interuniversitaire de médecine préventive le 24 mars 2017 à 8h30 dernier délai en l'informant qu'en cas d'absence à cette date elle s'exposerait à ce que l'université constate qu'elle entendait rompre son lien avec le service et " tire les conséquences de cet abandon de poste ". Cette mise en demeure, qui n'informe pas Mme A... que son licenciement pourrait être mis en œuvre sans bénéfice des garanties de la procédure disciplinaire, était donc incomplète et, de ce fait, entachée d'un vice susceptible d'avoir privé l'intéressée d'une garantie.
11. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que cette mise en demeure a été signifiée à Mme A... à son domicile par acte d'huissier de justice le 20 mars 2017 et que l'huissier de justice, en son absence, a, conformément aux articles 656 et 658 du code de procédure civile, laissé à son domicile un avis de passage mentionnant que lui était signifié un courrier de l'université Toulouse III Paul Sabatier qui devrait être retiré dans le plus bref délai à son étude et une copie de l'acte de signification, mentionnant qu'elle était mise en demeure de rejoindre son service le 24 mars 2017 à 8h30, d'autre part que Mme A... s'est abstenue d'aller chercher cet acte à l'étude avant le 24 mars à 17 h, c'est-à-dire postérieurement à la date à laquelle elle avait été mise en demeure de rejoindre son poste, sans faire état d'aucune circonstance l'ayant empêchée de prendre connaissance plus tôt de l'intégralité des mentions de l'acte qui lui était signifié. Dans ces circonstances, Mme A... ne peut utilement soutenir que l'absence de mention, dans le courrier de mise en demeure, de ce que l'abandon de poste pourrait être constaté, à l'expiration du délai fixé, sans mise en œuvre de la procédure disciplinaire l'aurait privée de la garantie que constitue cette mention".
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