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RESPONSABILITE D'UNE COMMUNE EN RAISON DES CONDITIONS DE STOCKAGE DE DECHETS AYANT CAUSE UNE MALADIE

(CAA Nantes, 20 mai 2022, n°21NT01045)



Une riveraine, exposée pendant plusieurs années à un champignon toxique qui s’était développé dans un bâtiment communal dans lequel étaient stockés les déchets, a droit à l’indemnisation des préjudices résultant de la maladie qu’elle a développée du fait de cette exposition.


Au fil des années, des végétaux issus de l’entretien des espaces verts, des gravats, du fumier, du lisier ont été entreposés par une commune dans une ancienne gare, située à 200 mètres du domicile de la requérante.


Après plusieurs années d’exposition, la riveraine a déclaré une aspergillose broncho-pulmonaire allergique, maladie causée par une exposition chronique à un champignon qui se développe dans les déchets.


La victime a donc adressé une demande d’indemnisation à la Commune afin d’obtenir réparation de ses préjudices.


La Commune ayant refusé de faire droit à sa demande, la requérante a été contrainte de saisir le juge administratif.


L’article L.541-1-1 du code de l’environnement donne la définition juridique du déchet:


« Au sens du présent chapitre, on entend par :


Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ».


En outre, l’article L.541-2 dispose :


« Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre.

Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers.

Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge ».


La commune soutenait que les résidus végétaux qui n’avaient vocation à rester stocker que quelques mois avant d’être détruits ne constituaient pas des déchets.

S’agissant des gravats et autres matériaux, la collectivité faisait valoir qu’ils devaient être utilisés à termes comme remblai dans le cadre d’un projet de réaménagement.


La Cour administrative d’appel de Nantes, après avoir écarté cette argumentation, a retenu la responsabilité de la Commune et a accordé à la requérante l’indemnisation des préjudices résultant de la maladie consécutive à son exposition aux déchets.


" 7. Il résulte de l'instruction qu'à partir du début de l'année 2012, des résidus de végétaux, issus de l'entretien des espaces verts par la commune, ont été stockés sur un terrain lui appartenant et situé à environ 200 mètres de la propriété de Mme E.... Par la suite, des gravats et d'autres résidus de démolition en 2013, y ont été également entreposés, enfin d'autres déchets y ont été déposés tels que du fumier au cours de l'année 2015, résultant du passage de cirques sur la commune et de l'enlèvement des lisiers déposés lors de manifestations d'agriculteurs. Si la commune soutient que les résidus végétaux en cause ne constituaient pas des déchets, la seule circonstance, à la supposer établie, que ces résidus étaient stockés sur le terrain en litige pendant une durée maximum de trois mois en attendant d'être éliminés ne suffit pas à établir qu'elle n'avait pas l'intention de s'en défaire et qu'ils ne constituaient pas, de ce fait, des déchets au sens de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement. De même, le fait que les gravats et les autres matériaux ainsi entreposés à compter de 2013 devaient être utilisés comme du remblai pour le réaménagement du quartier de la Madeleine, projet abandonné en 2015, puis ont été évacués en septembre 2015 et en février 2016 en vue d'être utilisés dans le cadre de l'aménagement d'un lieu de détente et de loisir ne peut suffire à exclure que ces gravats et matériaux présentaient bien, en leur état initial, le caractère de déchet. Il suit de là que, en stockant pendant une longue durée des déchets, végétaux ou non, sur le terrain en cause, la commune a méconnu l'obligation qui lui incombait, en tant que détentrice de ces déchets, d'en assurer la gestion sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l'environnement et a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Cette faute est de nature à ouvrir droit à Mme E... à être indemnisée des préjudices qui en ont résulté pour elle de manière directe et certaine."


Le juge considère que le stockage de longue durée des déchets, quelle que soit leur nature, constituait une méconnaissance par la commune de son obligation, en tant que détentrice de déchets, d’en assurer la gestion dans le respect de la santé humaine et de la salubrité publique.


La commune a ainsi commis une faute qui engage sa responsabilité et ouvre droit à l’indemnisation des préjudices de la riveraine en lien direct et certain avec son exposition aux déchets.


Pour consulter cette décision :


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